Les dessous de l’Opéra! Visite guidée de la Diacosmie.
novembre 16, 2022Les choeurs dans les opéras de Richard Wagner
février 3, 2023La correspondance Liszt Wagner (édition publiée par Georges Liébert, Gallimard, 2013) est la source principale du récit de cette amitié. Une lecture en a été faite par François Poutaraud et Philippe Hussenot pour les membres du Cercle le 10 décembre 2022 à l’Hotel West End de Nice. En voici un résumé.
Wagner écrit sa première lettre à Liszt le 24 mars 1841, après l’avoir approché à Paris. Mais leur vraie rencontre n’a lieu qu’en février 1844 à Dresde, où Liszt vient pour trois concerts et se fait donner une représentation spéciale de Rienzi, qui l’impressionne.
https://youtu.be/IM11iSaOfp8
Ouverture de Rienzi, London Philarmonic Orchestra, Klaus Tennstedt
En mars 1846 Wagner demande à Liszt d'intervenir auprès du directeur du Theater An der Wien pour faire représenter Rienzi et s’épanche sur son sort : « Je remarque de plus en plus que moi et mes œuvres, qui ne se répandent guère ou pas du tout, nous pourrions bien n’avoir pas beaucoup d’avenir ».
En février 1849 Liszt dirige avec succès Tannhäuser à Weimar et Wagner le remercie chaleureusement : « Pour vous, il ne s’agissait pas simplement de monter cet opéra, il s’agissait surtout de le savoir bien compris et bien accueilli (…) Il fallait avoir la certitude du succès, vous avez réussi : voilà qui montre quelle est votre énergie et de quoi vous êtes capable. Merci, cher ami ! ».
Liszt lui répond pour lui exprimer son admiration et lui offrir son amitié : « Votre lettre m’a fait un bien vif plaisir d’amitié et je vous remercie de tout cœur des remerciements que vous voulez bien me faire. Une fois pour toutes, dorénavant, veuillez bien me compter au nombre de vos plus zélés et dévoués admirateurs, de près ou de loin, comptez sur moi et disposez de moi ! ».
https://youtu.be/o-NI4WixVUg
Ouverture de Tannhäuser, Berliner Philharmoniker, Herbert von Karajan
La participation de Wagner aux barricades de 1849 à Dresde l’oblige à fuir clandestinement, pour rejoindre Weimar où il est accueilli par Liszt, qui dirige devant lui Tannhauser « avec pour la première fois le sentiment qu’un autre le comprend et sent comme lui ». Le 20 juillet 1850 Wagner, désormais exilé à Zurich, écrit : « Mon cher Liszt, Il faut que je te le dise, tu es un ami ! …S’il y a quelque chose qui élève l’âme, c’est d’avoir un ami ; mais il y a quelque chose qui l’élève davantage, c’est d’être un ami. Le bonheur de t’avoir trouvé me fait oublier que je suis banni d’Allemagne, que dis-je ! Je bénis presque mon exil, car jamais je n’aurais pu faire pour moi-même en Allemagne ce que tu arrives à faire pour moi ».Le mois suivant Liszt assure à Weimar la création de Lohengrin, Wagner n'y assiste pas mais lui témoigne de sa reconnaissance par une longue lettre du 8 septembre 1850
https://youtu.be/fF6WYo51kLM
Prélude de Lohengrin, Orchestre du Festival de Lucerne, Claudio Abbado
À Zurich, Wagner entre dans une période d’intense création, avec son ambitieux projet sur la légende des Nibelungen, qu’il pense ne jamais voir réaliser. Dès le 18 avril 1851 il écrit à Liszt : « Je vais me mettre à mon Siegfried au commencement de mai, cela ira comme cela pourra ; foin de tout ce qui peut m’assurer le pain de chaque jour ! ».
De son côté Liszt compose de grandes œuvres symphoniques (Poèmes symphoniques, Faust Symphonie, Dante Symphonie), abandonnant sa carrière de pianiste virtuose, et continue de promouvoir et de diriger les opéras de son ami, notamment Le Vaisseau fantôme, qu’il fait triompher à Weimar.
https://youtu.be/TUoBvtWReQg
Le Vaisseau fantôme, extrait, Thomas Konieszny, Opéra Bastille
Pendant toute la période d’exil forcé de Wagner, Liszt est son meilleur agent artistique en Allemagne et son soutien le plus engagé. Outre les concerts qu’il dirige, il s’occupe des relations avec l’éditeur Härtel pour les partitions de Wagner, publiées jusqu’alors à compte d’auteur. Il vient à Zurich, égayant ainsi le quotidien de Wagner, qui lui écrit ensuite combien la tristesse l’a envahi après son départ (« la nuit avait succédé à la lumière », lettre du 15 juillet 1853, dans laquelle il l’appelle « mon Saint François » !).
Après une période de dépression, Wagner compose L’Or du Rhin avec bonheur et retrouve la santé morale, ainsi qu’il l’écrit à Liszt le 14 novembre 1853 : « Ami, je vis un miracle ! Un monde nouveau s’ouvre à mes regards. À présent je tiens mes capacités pour immenses ; tout en moi palpite et chante ».
Son rapprochement avec Mathilde Wesendonck dont il est amoureux, n’y est pas pour rien. Les succès de Tannhäuser et de Lohengrin dans les théâtres des villes allemandes lui redonnent également l’énergie et la motivation.
Mais Wagner se plaint de sa situation financière et appelle Liszt à son secours, Dans la plupart de ses lettres, les questions d’argent sont évoquées (il renouvellera en janvier 1856 et janvier 1858 une demande d’avance de mille francs, que Liszt lui procurera). Son état dépressif est décrit sans pudeur, mais son travail de composition ne faiblit pas, bien au contraire. Il explique ainsi sa méthode très novatrice : « Ma manière de concevoir le rapport entre la musique et le vers parlé s’est modifiée du tout au tout, il me serait aujourd’hui impossible de composer une mélodie sur des vers de Schiller, qui ne sont faits que pour être lus (…) Je suis maintenant dans une évolution où je me suis tourné vers une toute autre conception. C’est ainsi que j’ai développé toute l’introduction de L’Or du Rhin sur le seul accord de mi bémol ! » (lettre de Zurich, du 4 mars 1854).
https://youtu.be/CM5oT0-dqVQ
Prélude de l’Or du Rhin, Orchestre philharmonique de Vienne, Georg Solti
Pour s’assurer des rentrées d’argent plus rapides, il interrompt son travail sur les Nibelungen et compose Tristan à partir de septembre 1857 : « J’ai dans la tête le plan d’un Tristan et Isolde - la musique la plus simple mais où déborde la vie la plus intense ; et dans les plis de la voile noire qui flotte au dénouement je veux ensuite m’envelopper - pour mourir ».
Liszt lui répond : « Ton Tristan est une idée splendide. Cela deviendra certainement une merveille. Persiste ». Il l’encourage en lui laissant espérer un retour en Allemagne et le met en garde sur d’éventuelles représentations à Paris ou à Milan : « Si tu n’as rien à attendre de l’Autriche du point de vue politique, tu n’as pas mieux à espérer de Paris ou de l’Italie au point de vue de l’art. Parfois je suis surpris de voir, pardonne moi cette franchise, que tu te fais illusion sur ce point : même si l’on arrivait à faire jouer Tannhäuser à Paris ou à Milan, cette représentation aurait lieu dans des conditions tout à fait défavorables pour toi. »
Étonnante prémonition de Liszt, trois ans avant le scandale Tannhäuser à Paris !
Wagner part à Venise à la fin de l’été 1858 pour travailler sur Tristan dont la création prévue initialement à Karlsruhe n’aura lieu que bien plus tard à Münich en 1865, par la grâce du jeune roi de Bavière.
https://youtu.be/EzuG7EsFcpk
Prélude de Tristan et Isolde, Orchestre national de France, Emmanuel Krivine
Outre son rôle de confident, d’imprésario et de négociateur au service de Wagner, Liszt dirige lui-même à de nombreuses reprises les œuvres de son ami, et les transcrit pour piano, notamment Lohengrin et des extraits de Tristan et de la Tétralogie, aidant ainsi à les faire connaître.
Leur relation devient problématique lorsque Liszt apprend la liaison de Wagner avec Cosima. Devenu abbé en 1865, il ne peut cautionner le divorce de sa fille, d’autant qu’il reste proche de l’infortuné von Bülow. Cosima obtient malgré tout le divorce en 1870 et épouse Wagner, dont elle a déjà trois enfants (l’histoire se répète, puisque ses parents, Liszt et Marie d’Agoult eurent aussi trois enfants hors mariage, le comte d’Agoult ayant subi la même trahison conjugale que le baron Von Bülow !)
Après cinq ans d’interruption de leur correspondance, Wagner écrit en mai 1872 à son ami devenu son beau-père, pour l’inviter à la pose de la première pierre à Bayreuth : « Mon cher grand ami, Cosima prétend que tu ne viendras pas, même si je t’invitais. Il nous faudrait donc encore supporter cette peine là, nous qui en avons déjà tant supporté ? Mais ne pas t’inviter, cela je ne le puis. Quel appel vais-je donc joindre à ce mot : Viens ? Tu es venu dans ma vie comme l’homme le plus grand auquel il me fut jamais permis de donner le doux nom d’ami… ».
Liszt lui répond : « Cher et admirable ami, Profondément remué par ta lettre, je ne puis trouver les mots pour te remercier. Mon fervent espoir est que les fantômes de considérations qui m’enchaînent encore au loin s’évanouissent et que nous puissions bientôt nous revoir. »
Wagner et Cosima lui rendront une visite de réconciliation début septembre 1872 et Liszt se rendra à Bayreuth en octobre et en reviendra très confiant sur la réussite du projet. Il y retournera pour les répétitions du Ring et arrivera le 1er août 1876 pour le festival, auquel il assiste tout le mois d’août.
Wagner lui porte un toast mémorable devant tous les artistes : « Voici celui qui le premier a eu foi en moi, alors que personne ne savait encore rien de moi, et sans lequel vous n’auriez peut-être pas entendu une seule note de moi aujourd’hui, mon cher ami Franz Liszt ».
En septembre 1882, après la deuxième édition du festival, Wagner s’installe à Venise avec sa famille, Palais Vendramin, et Liszt le rejoint deux mois plus tard. Ils n’ont pas les mêmes habitudes de vie, Wagner n’aimant guère les mondanités que Liszt ne refuse pas. Ils passent ensemble les fêtes de Noël, donnant en l’honneur de Cosima un concert privé à La Fenice le soir du 24 décembre, avec les musiciens de l’orchestre de Venise.
La dernière lettre de Liszt est du 27 décembre 1882 à propos de la généreuse rémunération de l’orchestre de Venise payée par Wagner. Elle débute par : « Mon grand ami » et se termine par « Ton vieux, Franciscus », achevant ainsi l’histoire d’une longue amitié, engagée quarante ans plus tôt.
Liszt quitte Venise le 11 janvier et Wagner meurt brutalement un mois plus tard, d’une crise cardiaque, dans les bras de Cosima, le 13 février 1883.
Liszt lui survivra trois années et décédera à Bayreuth le 31 juillet 1886, après avoir assisté, malade, à une représentation de Parsifal puis de Tristan.
https://youtu.be/lKzjg94kPHk
Sonate de Liszt, Claudio Arrau
Wagner écrit sa première lettre à Liszt le 24 mars 1841, après l’avoir approché à Paris. Mais leur vraie rencontre n’a lieu qu’en février 1844 à Dresde, où Liszt vient pour trois concerts et se fait donner une représentation spéciale de Rienzi, qui l’impressionne.
https://youtu.be/IM11iSaOfp8
Ouverture de Rienzi, London Philarmonic Orchestra, Klaus Tennstedt
En mars 1846 Wagner demande à Liszt d'intervenir auprès du directeur du Theater An der Wien pour faire représenter Rienzi et s’épanche sur son sort : « Je remarque de plus en plus que moi et mes œuvres, qui ne se répandent guère ou pas du tout, nous pourrions bien n’avoir pas beaucoup d’avenir ».
En février 1849 Liszt dirige avec succès Tannhäuser à Weimar et Wagner le remercie chaleureusement : « Pour vous, il ne s’agissait pas simplement de monter cet opéra, il s’agissait surtout de le savoir bien compris et bien accueilli (…) Il fallait avoir la certitude du succès, vous avez réussi : voilà qui montre quelle est votre énergie et de quoi vous êtes capable. Merci, cher ami ! ».
Liszt lui répond pour lui exprimer son admiration et lui offrir son amitié : « Votre lettre m’a fait un bien vif plaisir d’amitié et je vous remercie de tout cœur des remerciements que vous voulez bien me faire. Une fois pour toutes, dorénavant, veuillez bien me compter au nombre de vos plus zélés et dévoués admirateurs, de près ou de loin, comptez sur moi et disposez de moi ! ».
https://youtu.be/o-NI4WixVUg
Ouverture de Tannhäuser, Berliner Philharmoniker, Herbert von Karajan
La participation de Wagner aux barricades de 1849 à Dresde l’oblige à fuir clandestinement, pour rejoindre Weimar où il est accueilli par Liszt, qui dirige devant lui Tannhauser « avec pour la première fois le sentiment qu’un autre le comprend et sent comme lui ». Le 20 juillet 1850 Wagner, désormais exilé à Zurich, écrit : « Mon cher Liszt, Il faut que je te le dise, tu es un ami ! …S’il y a quelque chose qui élève l’âme, c’est d’avoir un ami ; mais il y a quelque chose qui l’élève davantage, c’est d’être un ami. Le bonheur de t’avoir trouvé me fait oublier que je suis banni d’Allemagne, que dis-je ! Je bénis presque mon exil, car jamais je n’aurais pu faire pour moi-même en Allemagne ce que tu arrives à faire pour moi ».Le mois suivant Liszt assure à Weimar la création de Lohengrin, Wagner n'y assiste pas mais lui témoigne de sa reconnaissance par une longue lettre du 8 septembre 1850
https://youtu.be/fF6WYo51kLM
Prélude de Lohengrin, Orchestre du Festival de Lucerne, Claudio Abbado
À Zurich, Wagner entre dans une période d’intense création, avec son ambitieux projet sur la légende des Nibelungen, qu’il pense ne jamais voir réaliser. Dès le 18 avril 1851 il écrit à Liszt : « Je vais me mettre à mon Siegfried au commencement de mai, cela ira comme cela pourra ; foin de tout ce qui peut m’assurer le pain de chaque jour ! ».
De son côté Liszt compose de grandes œuvres symphoniques (Poèmes symphoniques, Faust Symphonie, Dante Symphonie), abandonnant sa carrière de pianiste virtuose, et continue de promouvoir et de diriger les opéras de son ami, notamment Le Vaisseau fantôme, qu’il fait triompher à Weimar.
https://youtu.be/TUoBvtWReQg
Le Vaisseau fantôme, extrait, Thomas Konieszny, Opéra Bastille
Pendant toute la période d’exil forcé de Wagner, Liszt est son meilleur agent artistique en Allemagne et son soutien le plus engagé. Outre les concerts qu’il dirige, il s’occupe des relations avec l’éditeur Härtel pour les partitions de Wagner, publiées jusqu’alors à compte d’auteur. Il vient à Zurich, égayant ainsi le quotidien de Wagner, qui lui écrit ensuite combien la tristesse l’a envahi après son départ (« la nuit avait succédé à la lumière », lettre du 15 juillet 1853, dans laquelle il l’appelle « mon Saint François » !).
Après une période de dépression, Wagner compose L’Or du Rhin avec bonheur et retrouve la santé morale, ainsi qu’il l’écrit à Liszt le 14 novembre 1853 : « Ami, je vis un miracle ! Un monde nouveau s’ouvre à mes regards. À présent je tiens mes capacités pour immenses ; tout en moi palpite et chante ».
Son rapprochement avec Mathilde Wesendonck dont il est amoureux, n’y est pas pour rien. Les succès de Tannhäuser et de Lohengrin dans les théâtres des villes allemandes lui redonnent également l’énergie et la motivation.
Mais Wagner se plaint de sa situation financière et appelle Liszt à son secours, Dans la plupart de ses lettres, les questions d’argent sont évoquées (il renouvellera en janvier 1856 et janvier 1858 une demande d’avance de mille francs, que Liszt lui procurera). Son état dépressif est décrit sans pudeur, mais son travail de composition ne faiblit pas, bien au contraire. Il explique ainsi sa méthode très novatrice : « Ma manière de concevoir le rapport entre la musique et le vers parlé s’est modifiée du tout au tout, il me serait aujourd’hui impossible de composer une mélodie sur des vers de Schiller, qui ne sont faits que pour être lus (…) Je suis maintenant dans une évolution où je me suis tourné vers une toute autre conception. C’est ainsi que j’ai développé toute l’introduction de L’Or du Rhin sur le seul accord de mi bémol ! » (lettre de Zurich, du 4 mars 1854).
https://youtu.be/CM5oT0-dqVQ
Prélude de l’Or du Rhin, Orchestre philharmonique de Vienne, Georg Solti
Pour s’assurer des rentrées d’argent plus rapides, il interrompt son travail sur les Nibelungen et compose Tristan à partir de septembre 1857 : « J’ai dans la tête le plan d’un Tristan et Isolde - la musique la plus simple mais où déborde la vie la plus intense ; et dans les plis de la voile noire qui flotte au dénouement je veux ensuite m’envelopper - pour mourir ».
Liszt lui répond : « Ton Tristan est une idée splendide. Cela deviendra certainement une merveille. Persiste ». Il l’encourage en lui laissant espérer un retour en Allemagne et le met en garde sur d’éventuelles représentations à Paris ou à Milan : « Si tu n’as rien à attendre de l’Autriche du point de vue politique, tu n’as pas mieux à espérer de Paris ou de l’Italie au point de vue de l’art. Parfois je suis surpris de voir, pardonne moi cette franchise, que tu te fais illusion sur ce point : même si l’on arrivait à faire jouer Tannhäuser à Paris ou à Milan, cette représentation aurait lieu dans des conditions tout à fait défavorables pour toi. »
Étonnante prémonition de Liszt, trois ans avant le scandale Tannhäuser à Paris !
Wagner part à Venise à la fin de l’été 1858 pour travailler sur Tristan dont la création prévue initialement à Karlsruhe n’aura lieu que bien plus tard à Münich en 1865, par la grâce du jeune roi de Bavière.
https://youtu.be/EzuG7EsFcpk
Prélude de Tristan et Isolde, Orchestre national de France, Emmanuel Krivine
Outre son rôle de confident, d’imprésario et de négociateur au service de Wagner, Liszt dirige lui-même à de nombreuses reprises les œuvres de son ami, et les transcrit pour piano, notamment Lohengrin et des extraits de Tristan et de la Tétralogie, aidant ainsi à les faire connaître.
Leur relation devient problématique lorsque Liszt apprend la liaison de Wagner avec Cosima. Devenu abbé en 1865, il ne peut cautionner le divorce de sa fille, d’autant qu’il reste proche de l’infortuné von Bülow. Cosima obtient malgré tout le divorce en 1870 et épouse Wagner, dont elle a déjà trois enfants (l’histoire se répète, puisque ses parents, Liszt et Marie d’Agoult eurent aussi trois enfants hors mariage, le comte d’Agoult ayant subi la même trahison conjugale que le baron Von Bülow !)
Après cinq ans d’interruption de leur correspondance, Wagner écrit en mai 1872 à son ami devenu son beau-père, pour l’inviter à la pose de la première pierre à Bayreuth : « Mon cher grand ami, Cosima prétend que tu ne viendras pas, même si je t’invitais. Il nous faudrait donc encore supporter cette peine là, nous qui en avons déjà tant supporté ? Mais ne pas t’inviter, cela je ne le puis. Quel appel vais-je donc joindre à ce mot : Viens ? Tu es venu dans ma vie comme l’homme le plus grand auquel il me fut jamais permis de donner le doux nom d’ami… ».
Liszt lui répond : « Cher et admirable ami, Profondément remué par ta lettre, je ne puis trouver les mots pour te remercier. Mon fervent espoir est que les fantômes de considérations qui m’enchaînent encore au loin s’évanouissent et que nous puissions bientôt nous revoir. »
Wagner et Cosima lui rendront une visite de réconciliation début septembre 1872 et Liszt se rendra à Bayreuth en octobre et en reviendra très confiant sur la réussite du projet. Il y retournera pour les répétitions du Ring et arrivera le 1er août 1876 pour le festival, auquel il assiste tout le mois d’août.
Wagner lui porte un toast mémorable devant tous les artistes : « Voici celui qui le premier a eu foi en moi, alors que personne ne savait encore rien de moi, et sans lequel vous n’auriez peut-être pas entendu une seule note de moi aujourd’hui, mon cher ami Franz Liszt ».
En septembre 1882, après la deuxième édition du festival, Wagner s’installe à Venise avec sa famille, Palais Vendramin, et Liszt le rejoint deux mois plus tard. Ils n’ont pas les mêmes habitudes de vie, Wagner n’aimant guère les mondanités que Liszt ne refuse pas. Ils passent ensemble les fêtes de Noël, donnant en l’honneur de Cosima un concert privé à La Fenice le soir du 24 décembre, avec les musiciens de l’orchestre de Venise.
La dernière lettre de Liszt est du 27 décembre 1882 à propos de la généreuse rémunération de l’orchestre de Venise payée par Wagner. Elle débute par : « Mon grand ami » et se termine par « Ton vieux, Franciscus », achevant ainsi l’histoire d’une longue amitié, engagée quarante ans plus tôt.
Liszt quitte Venise le 11 janvier et Wagner meurt brutalement un mois plus tard, d’une crise cardiaque, dans les bras de Cosima, le 13 février 1883.
Liszt lui survivra trois années et décédera à Bayreuth le 31 juillet 1886, après avoir assisté, malade, à une représentation de Parsifal puis de Tristan.
https://youtu.be/lKzjg94kPHk
Sonate de Liszt, Claudio Arrau